Ségolène Royal face aux libénautes

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Jeunes

« Dynamisation du système universitaire : quelles réformes structurelles, organisationnelles et financières ? »

Notre université et notre recherche sont depuis 2002 soumises à une véritable purge budgétaire. La droite n'a pour l'université et la recherche en général aucune ambition et même, aucune considération. Nous devrons leur rendre les moyens de tenir leur rang à l'échelle de l'Europe et du monde. L'Etat devra consentir un effort financier de grande ampleur, mais les régions pourront aussi s'investir, notamment pour le logement étudiant et pour les bâtiments universitaires. Les conditions de vie étudiante sont indignes d'un grand pays. Là aussi, il faudra remettre une sérieuse remise à niveau. Il faudra forger un nouveau pacte avec les étudiants : meilleure orientation, meilleurs débouchés, meilleures conditions de vie. Il nous faudra aussi améliorer l'organisation de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour développer les synergies et les mises en réseau.

Vie quotidienne

« Etes-vous favorable à la dépénalisation du cannabis ? »

Ce qui me préoccupe, c'est l'augmentation de la consommation régulière de cannabis chez les 15-24 ans, La droite n'a rien fait depuis cinq ans : elle a réduit les subventions aux associations qui luttent contre les addictions et a une vision exclusivement répressive. Elle a cassé la dynamique que la gauche avait créée, pour aborder ces questions d'abord du point de vue de la santé publique, en luttant contre toutes les dépendances, quels que soient les produits. Or vous savez que la consommation d'alcool chez les jeunes augmente aussi de manière inquiétante. Le projet socialiste propose de revenir à cette approche, la seule qui ait un sens et une efficacité. Et il propose logiquement d'ouvrir un débat pour une révision de la loi de 1970.

« Que comptez-vous faire pour enrayer la hausse de l'immobilier et améliorer l'accès au logement ? »

Le logement pèse de plus en plus lourd dans le budget des ménages: un tiers du revenu des familles, beaucoup plus dans les grandes villes. Les étudiants rencontrent les pires difficultés pour se loger. La crise du logement nourrit l'exclusion. La droite n'a rien fait pour régler cette crise. A chaque occasion, elle tente de modifier la loi qui oblige les communes à accueillir un minimum de logements sociaux. Neuilly-sur-Seine, ville la plus riche de France, a l'un des taux de logements sociaux les plus faibles : 2,6 %, loin des 20 % exigés par la loi. Il faudra nous battre sur deux fronts : nous manquons de logements, de plus en plus de familles n'ont plus les moyens de se loger. Ainsi 85% des constructions nouvelles réalisées en 2005 ne sont pas accessibles à 70% des ménages à cause de loyers trop élevés. Nous devrons donc mobiliser le foncier disponible de l'Etat, généraliser les agences foncières régionales, construire 120 000 logements sociaux par an, durcir les sanctions contre les communes qui ne respectent pas la loi. Pour l'accès au logement, nous mettrons en place une garantie mutualisée des risques locatifs et revaloriserons les APL. Et puis, comme tout se tient, l'augmentation indispensable du pouvoir d'achat qui résultera de la conférence salariale que nous réunirons permettra à de nombreux ménages de retrouver le droit au logement. Enfin, l'intégration des énergies renouvelables telles que le solaire permettra de réduire les charges.

Travail

« Alignerez-vous les régimes spéciaux de retraite sur le régime général ? »

Le problème le plus grave c'est la dégradation du pouvoir d'achat des petits retraités. Notre système par répartition est un contrat fondé sur un partage du temps entre vie professionnelle et retraite. Il doit être équitable entre les générations et au sein d'une même génération. L'allongement de la vie - un trimestre de plus tous les ans - est une bonne nouvelle, mais nos régimes de retraite ne peuvent ignorer cette évolution démographique : d'ici à 2050, les plus de 60 ans seront deux fois plus nombreux. Pour aborder de façon sereine le partage entre activité et retraite de cette augmentation de la durée de vie, il faut le plein-emploi car trop de salariés ont des carrières incomplètes et trop de jeunes doivent attendre des années avant d'entrer dans la vie active. Il faut aussi tirer toutes les conséquences de la pénibilité du travail. La droite n'a rien réglé, et a même aggravé la situation : baisse des retraites, déficit des régimes. Il faudra remettre l'ouvrage sur le métier. Mais nous le ferons par la négociation. Pour les régimes spéciaux, je pense qu'il y a un chantier d'harmonisation à conduire, là encore par la négociation. Mais il est pour moi hors de question de le faire, comme la droite le propose, de façon idéologique : les régimes spéciaux ont une histoire propre, marquée par des luttes de leurs salariés. Ces régimes ont une structure démographique particulière qui explique qu'il soit nécessaire de leur apporter une subvention d'équilibre. Je veux respecter cette histoire et regarder la réalité des situations. Et puis je pense qu'il y a dans notre pays des inégalités bien plus criantes que les différences entre régimes spéciaux de retraite et régime général, notamment celles qui frappent les femmes et leur très faible niveau de retraite.

« Quelles modalités proposez-vous pour les 35h dans les PME ? »

Sur les 35 heures, qui ont été une grande avancée sociale, il faudra faire deux choses. Etendre leur bénéfice à tous les salariés qui n'en bénéficient pas : c'est dans notre projet. Et puis, je l'ai dit avec netteté, car je veux regarder la réalité en face, corriger les effets négatifs des 35 heures pour certains salariés, qui ont vu leur temps de travail flexibilisé de façon outrancière et leurs cadences de travail s'aggraver. Nous aurons besoin de syndicats forts pour avancer dans ces deux directions : je crois qu'une des conditions de la réussite du changement, c'est d'avoir un syndicalisme de masse, qui rééquilibre les rapports entre le capital et le travail.

Démocratie

« Quelle est votre position sur la durée et le cumul des mandats ? »

Le projet socialiste est très clair : pour le président de la République le quinquennat ne sera renouvelable qu'une seule fois. Il prévoit aussi l'instauration du mandat unique pour les parlementaires ainsi que la limitation renforcée du cumul des fonctions (Présidents de gouvernements communaux ou de syndicats) et du cumul d'activités professionnelles. Pour les ministres, le cumul avec une fonction exécutive locale sera interdit. Un statut de l'élu sera mis en place pour favoriser un véritable renouvellement de la classe politique, en permettant notamment aux salariés du secteur privé d'accéder à des mandats électifs.

« En cas de victoire, quelle est votre position quant à une éventuelle mise en examen de Jacques Chirac ? »

Je respecte trop l'indépendance de la magistrature pour répondre à une telle question. En revanche, ce que prévoit le projet socialiste et que je promets aux Français, c'est de réformer le statut pénal du chef de l'Etat.

Economie

« Comment réduire la dette et les déficits publics ? »

Je ne veux pas léguer aux générations futures le fardeau des inconséquences financières. La droite, elle, s'en moque, qui a, de 2002 à 2005, augmenté le poids de la dette publique de 10 points. Il faut en effet réduire nos déficits et je ne connais qu'une façon de le faire durablement : relancer la croissance, ce qui suppose de rétablir la confiance et, simultanément, maîtriser les dépenses en définissant clairement nos priorités budgétaires. La gauche a su le faire de 1997 à 2002 puisqu'elle a réduit les déficits et la dette tout en finançant ses priorités. Ma priorité c'est de remettre la machine économique en marche, avec une croissance proche de 3 % par le retour de la confiance et l'investissement massif dans les formations et qualifications, ainsi que dans l'innovation et l'investissement. En ce qui concerne l'évolution des dépenses publiques, il faut programmer dans la durée les grandes priorités budgétaires de notre projet (l'éducation et la recherche, la solidarité, le travail et l'emploi, l'environnement) et faire en sorte que chaque euro dépensé soit un euro utile.

« Allez-vous augmenter ou baisser les impôts ? »

La fiscalité n'est pas une fin en soi. C'est un outil pour redistribuer le revenu et assurer le fonctionnement des services publics. C'est donc à partir de priorités bien définies, au premier rang desquelles l'éducation et la formation, et en veillant à l'utilité de la dépense de chaque euro, que nous fixerons le juste niveau de l'impôt. Et puis, là où la droite a dévoyé la fiscalité pour multiplier les cadeaux aux plus aisés, nous rendrons l'impôt plus progressif et donc plus juste.

International

« Quelle direction donner à la politique africaine de la France ? »

Il faut repenser de fond en comble la coopération et l'aide au développement, en se concentrant sur quatre enjeux majeurs : l'eau, l'école, l'environnement, la santé, et en favorisant les coopérations décentralisées, mieux contrôlables. Les femmes sont aux avant-postes de ces sujets. En Afrique, elles assurent 98 % du travail de la terre mais bénéficient seulement de 5 % des aides. Il faut revoir complètement les circuits financiers car souvent les aides n'arrivent pas à leurs destinataires en raison de la corruption ou de la bureaucratie. Aider l'Afrique à se développer, ce n'est pas qu'une question de générosité, c'est aussi l'intérêt de l'Europe : le creusement des écarts entre les deux continents provoque des déséquilibres, qui se traduisent notamment par les flux d'immigration actuels. Je l'ai vu au Sénégal, lorsque j'ai rencontré cette association de mères qui se battent pour que leurs enfants ne prennent pas le risque de se noyer en tentant de gagner les Canaries. Elles ont besoin de notre aide pour assurer un avenir aux jeunes. C'est une utopie réalisable.

Personnalité

« Votre expérience vous semble-t-elle suffisante pour investir la plus haute fonction de l'Etat ? »

Pour exercer la magistrature suprême, il faut avoir deux types d'expérience. L'expérience politique bien sûr, et mes mandats de députée, de présidente de région, les fonctions que j'ai exercées dans trois ministères essentiels, l'éducation, l'environnement et la famille, ainsi que les sept années de travail auprès de François Mitterrand m'ont permis de la forger et de la fortifier. Mais il y a aussi l'expérience de la vie : je sais ce que signifie de s'arracher par l'étude et le travail à un destin écrit d'avance. Je sais ce qu'est la bataille au quotidien pour les femmes qui doivent sans cesse démontrer ce qu'on reconnaît plus spontanément à un homme. L'expérience n'est pas une technique froide. L'expérience, c'est la force d'avancer.

« Quel héritage gardez-vous de François Mitterrand ? »

François Mitterrand, c'est plus qu'un héritage, c'est aussi une source d'inspiration : rénovation du parti socialiste, rassemblement de la gauche, primat du politique, ambition pour la France. Il est une des grandes figures de l'histoire de la gauche. Et, plus personnellement, je suis fière d'avoir pu travailler à ses côtés à l'Elysée pendant sept ans en particulier pour préparer tous les sommets des chefs d'Etats (48).

« Accepteriez-vous un poste au gouvernement si un autre candidat du PS vous le proposait ? »

Je me présente aujourd'hui au vote des militants socialistes, puis, je l'espère, au suffrage des Français. Je souhaite gagner, par le mérite, la confiance de nos concitoyens. Nous avons un devoir de victoire.

« La provocation permanente fait-elle progresser la politique dans notre pays ? »

La provocation est la caricature de la politique. Je crois en l'intelligence collective, je crois que les citoyens ont envie de se saisir de leurs problèmes et d'en trouver la solution. Et je souhaite construire une République du respect : la provocation n'y a pas de place.

Source : Libération

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