Enseignants : "le courage de Ségolène Royal" par Gabriel Cohn-Bendit

Publié le par Rédacteur

Je n'ai pas attendu la vidéo pirate que des «gentils» camarades socialistes ont mise sur le Net pour écrire, au printemps de cette année, dans un Rebond ( Libération du 9 mai 2006) où je défendais déjà la candidature de Ségolène : «A propos du combat qui est le mien depuis quarante ans, celui de l'école, elle a dit que le rôle des enseignants n'était pas seulement d'instruire mais aussi d'éduquer et qu'il faudrait reposer la question du temps de présence des enseignants dans les établissements scolaires.»
 
Passons sur le procédé, il est curieux que ceux qui protestent contre les Conseils des ministres télévisés et qui s'indignent de ce qui s'est passé en Hongrie ­ où un «camarade» a filmé les déclarations du Premier ministre à son insu pour les rendre publiques ensuite ­ jouent ce petit tour à Ségolène. Mais moi, cela ne me choque pas, je suis favorable à ce que même des réunions de travail puissent être filmées. Ce serait assez drôle de savoir ce que Fabius ou DSK et leurs amis se disent quand ils sont entre eux, que ce soit sur Ségolène ou sur ce qu'ils pensent vraiment.
Il y a plus d'un an, le Parti socialiste, dont je n'étais pas encore membre, m'avait invité à un débat sur l'école. J'avais commencé mon intervention en disant : «En parodiant la formule entre boire ou conduire, il faut choisir, je dirais : entre poser les problèmes de l'école et garder l'électorat enseignant, il faut choisir. Ou le PS veut garder son électorat enseignant, et il ne posera pas les problèmes de l'école, ou il les pose et risque de perdre une partie de son électorat enseignant.» 
Sur le fond, je dirais donc : premièrement, que le temps de travail des enseignants du secondaire, collèges et lycées, est bien calculé sur la base de 36 heures. Les certifiés font 18 heures de cours qui sont évaluées à deux heures de travail en tenant compte des préparations et des corrections. Deuxièmement, qu'il y a longtemps que des pédagogues et certains syndicalistes, dont ceux du SGEN, proposent des changements en diminuant les heures de cours, les ramener de 18 à 15 par exemple, et d'augmenter par contre les heures de présence. On remplace une heure de cours par deux heures de présence, ce qui ferait 21 heures de présence dont 15 heures de cours.
Le 27 février 1996, nous avons signé à plusieurs, Antoine Prost, Louis Legrand, Jean-Claude Guérin, Marie Danièle Pierrelée, entre autres, un Rebond, toujours dans Libération, intitulé «Des équipes pour travailler autrement», où nous disions déjà : «Le service des enseignants, traditionnellement compté en heures de cours, sera forcément à redéfinir ; on comprendra donc aisément qu'on ne peut faire partie d'équipes ayant de tels objectifs que sur la base du volontariat.» 
Oui, c'est bien sûr la base du volontariat et non en imposant à tous les enseignants des changements qu'ils n'acceptent pas qu'il faudra commencer. Faire la preuve qu'une présence plus importante peut réduire les tensions et donc rendre le travail des enseignants plus agréable donc moins fatigant et stressant. Rappelons qu'en Allemagne, les enseignants doivent 25 heures de cours et en Suède ils doivent 35 heures de présence dont 20 à 22 heures de cours et ce pays a, avec la Finlande, les taux de réussite les meilleurs.
Une fois de plus, Ségolène a le mérite de poser des questions de fond que ses concurrents socialistes, par pure démagogie, n'osent aborder. Avant un vote dans le PS, où le corps enseignant est important, elle fait, une fois de plus, preuve de son courage politique.
Source : Libération
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